Littérature : qui sont les écrivains africains majeurs ?

Qui sont les meilleurs écrivains africains du XXe et du XXIe siècle ? Nous avons sélectionné cinq auteurs africains les plus importants de leur génération.
Qui sont les meilleurs écrivains africains du XXe et du XXIe siècle ? Nous avons sélectionné cinq auteurs africains les plus importants de leur génération.

Illustrations de Louise Mézel

Faire une liste des écrivains africains majeurs qui ont existé est un exercice délicat. En effet, la majorité des cultures africaines transmettaient et continuent de transmettre, avant tout, une littérature orale. C’est le cas, par exemple, de l‘épopée de Soundiata — un poème épique, en langue mandingue, qui raconte la fondation de l’empire du Mali au XIIIe siècle. Et qui continue à être chanté par les conteurs griots du XXIe siècle.

Pourtant, une littérature écrite africaine existe depuis l’Antiquité. Les littératures égyptienne, phénicienne, ou carthaginoise, protégées par les universités musulmanes pendant le Moyen-Âge, comptent parmi les plus anciennes littératures du monde. On peut également citer le Kebra Nagast (ክብረ ነገሥት, « Gloire des rois » en ge’ez), un autre récit épique daté du XIVe siècle, et qui rassemble à la fois des contes populaires éthiopiens et des histoires bibliques, talmudiques, et coraniques.

Néanmoins, pour tous ceux qui s’intéressent aux écrits et à la pensée de l’Afrique, nous vous invitons à lire et découvrir les cinq écrivains africains les plus importants, d’hier et d’aujourd’hui.

1. Chinua Achebe

Chinua Achebe

Impossible de parler de littérature africaine et des meilleurs écrivains africains sans parler de Chinua Achebe. Ses deux livres les plus connus, Tout s’effondre (Things Fall Apart) et Le Malaise (No Longer at Ease), ont à jamais marqué la littérature du continent.

Son œuvre est une longue réflexion sur le colonialisme — et ses conséquences sur l’individualité, et l’identité d’Africains qui se retrouvent déchirés entre deux mondes (la société traditionnelle et la société occidentale) auxquels ils ne peuvent plus appartenir. Chinua Achebe est l’un des plus célèbres auteurs africains, et a souvent été pressenti pour le Prix Nobel de Littérature — qu’il n’a malheureusement jamais obtenu, avant sa mort en 2013.

Le meilleur livre de Chinua Achebe : Tout s’effondre

Très connu dans le monde anglo-saxon, mais ignoré en France, Tout s’effondre (1958) raconte la vie précoloniale dans un village du sud du Nigéria, et le choc culturel qu’a représenté l’arrivée des Britanniques à la fin du XIXe siècle.

Ce roman est fascinant à de multiples égards. Dans ce qu’il laisse entrapercevoir d’un monde et d’une culture méconnus et passés ; dans ce qu’il raconte et dépeint ; dans l’universalisme des propos et de la réflexion sur les bouleversements auxquels peuvent être confrontées les communautés humaines. Sans jamais tomber dans la nostalgie du passé ni vanter aveuglément les mérites du progrès.

2. Chimamanda Ngozi Adichie

Chimamanda Ngozi Adichie

Chimamanda Ngozi Adichie n’a que 42 ans, mais elle est déjà reconnue comme étant l’écrivaine africaine la plus importante de sa génération. D’origine nigériane, ayant fait ses études aux États-Unis, elle obtient une certaine renommée pour la publication de son premier roman, L’hibiscus pourpre. Mais c’est L’autre moitié du Soleil qui la consacre en tant qu’écrivaine, et Americanah qui fait d’elle une voix qui compte, abordant avec humour et autodérision les problématiques de racisme, de féminisme, et de déracinement culturel. Son petit essai, Nous sommes tous des féministes, est distribué à tous les lycéens de Suède chaque année.

En 2017, le magazine Fortune l’a d’ailleurs classé comme étant l’une des 50 personnes les plus influentes du monde.

Le meilleur livre de Chimamanda Ngozi Adichie : L’autre moitié du Soleil

Impossible de mieux résumer ce livre que ne le fait la quatrième de couverture, aux éditions Gallimard :

« Lagos, début des années soixante. L’avenir paraît sourire aux sœurs jumelles : la ravissante Olanna est amoureuse d’Odenigbo, intellectuel engagé et idéaliste ; quant à Kainene, sarcastique et secrète, elle noue une liaison avec Richard, journaliste britannique fasciné par la culture locale. Le tout sous le regard intrigué d’Ugwu, treize ans, qui a quitté son village dans la brousse et qui découvre la vie en devenant le boy d’Odenigbo.

Quelques années plus tard, le Biafra se proclame indépendant du Nigeria. Un demi-soleil jaune, cousu sur la manche des soldats, s’étalant sur les drapeaux : c’est le symbole du pays et de l’avenir. Mais une longue guerre va éclater, qui fera plus d’un million de victimes. »

3. Alain Mabanckou

Alain Mabanckou

Alain Mabanckou est un écrivain franco-congolais, également enseignant de littérature française à l’Université de Californie (Los Angeles). Il se fait remarquer en 1998 avec la publication de son premier roman, Bleu-Blanc-Rouge, grâce auquel il remporte le Grand prix littéraire d’Afrique noire — un prix qui, malgré son nom, ne récompense cependant que des œuvres écrites en français.

Son roman Verre cassé, qui raconte la vie des piliers de comptoir d’un bar de Brazzaville, le fait connaître auprès du grand public ; mais c’est surtout Mémoires de porc-épic, finaliste du Man Booker International Prize et récompensé en 2006 du Prix Renaudot, qui lui offre une exposition médiatique de premier plan parmi les meilleurs écrivains africains contemporains. Il a également publié un excellent Dictionnaire enjoué des cultures africaines, en collaboration avec Abdourahman Waberi.

Le meilleur livre d’Alain Mabanckou : Petit Piment

Avec beaucoup de simplicité, Alain Mabanckou raconte la vie d’un petit Congolais — Petit Piment — tout au long des années 60 et 70. Une vie pleine de péripéties, qui raconte surtout le Congo de l’auteur, et les soubresauts de l’histoire. Le livre est court et rapide à lire, et nous introduit merveilleusement dans l’univers très particulier d’Alain Mabanckou.

4. Ngugi wa Thiong’o

Ngugi wa Thiong’o

Ngugi wa Thiongʼo est un Kényan dont les œuvres sont écrites en langue kikuyu et Anglaise. Il est actuellement professeur et directeur de l’International Center for Writing & Translation à l’Université de Californie, et donc collègue d’Alain Mabanckou.

Ngugi wa Thiong’o est une figure intellectuelle de premier plan en Afrique de l’Est. Au centre de son œuvre, on retrouve en permanence la dénonciation du colonialisme, les tensions entre Blancs et Noirs, et les communautés tiraillées entre les influences culturelles européennes et africaines. Son premier roman, Enfant, ne pleure pas (1962), aborde déjà ces thèmes à travers les yeux des insurgés Kikuyus en rébellion contre l’autorité anglaise. Mais c’est surtout Et le blé jaillira, publié en 1967, qui lui vaut une consécration internationale.

Son essai Pour décoloniser l’esprit (Decolonising the Mind, 1986) est un adieu de l’auteur à l’écriture en langue anglaise. « Comment a-t-il été possible que nous, écrivains africains, fassions preuve de tant de faiblesse dans la défense de nos propres langues et de tant d’avidité dans la revendication de langues étrangères, à commencer par celles de nos colonisateurs ? » écrit-il notamment. Désormais, Ngugi wa Thiong’o n’écrit plus que dans sa langue maternelle, le kikuyu, afin de toucher le public auquel il souhaite s’adresser en priorité.

Ngugi wa Thiong’o est régulièrement cité sur les listes des meilleurs écrivains africains et sur celle des écrivains nommés pour le Prix Nobel de littérature.

Le meilleur livre de Ngugi wa Thiong’o : Et le blé jaillira

Et le blé jaillira (A Grain of Wheat) est le roman qui a apporté la consécration internationale à son auteur, et sa place dans la liste des écrivains africains qui ont marqué le XXe siècle. On y découvre plusieurs histoires, qui ont comme fil rouge l’état d’urgence dans un Kenya en lutte pour son indépendance, entre les années 1952 et 1959. L’histoire centrale tourne autour d’un jeune homme calme et solitaire, Mugo, et de son village natal qui se prépare à célébrer le jour de l’Indépendance (Uhuru Day). Ce jour-là, des résistants préparent l’exécution d’un traitre ayant trahi Kihika, un héros de la résistance, né dans le village.

Tout comme la série télévisée Un village français dresse un portrait de tous les visages de la France lors de l’occupation nazie en 39-45, Et le blé jaillira raconte tout un pays, le Kenya, en proie à toutes les contradictions lors de son mouvement d’indépendance.

5. Wole Soyinka

Wole Soyinka

Enfin, dans la liste des écrivains africains majeurs, il serait facile de citer n’importe lequel des quatre écrivains africains ayant obtenu le prix Nobel de littérature : Nadine Gordimer, Naguib Mahfouz, J.M. Coetzee, ou le Nigérian Wole Soyinka. C’est avec ce dernier que nous avons choisi de conclure cette liste des meilleurs écrivains africains d’aujourd’hui et d’hier, pour une raison symbolique : c’est le premier auteur noir à avoir eu, en 1986, le prix le plus prestigieux qu’un écrivain puisse rêver d’obtenir.

Wole Soyinka est un artiste prolifique ayant écrit des romans, des récits autobiographiques, des nouvelles, des essais politiques et littéraires, de la poésie, ainsi que de nombreuses pièces de théâtre. Le comité Nobel a notamment récompensé la richesse d’un univers qui, « avec une perspective à la fois culturelle et poétique, modèle le drame de l’existence humaine ».

Le meilleur livre de Wole Soyinka : La Mort et l’Écuyer du roi

La Mort et l’Écuyer du roi est la pièce de théâtre la plus connue, la plus étudiée, la plus commentée de Wole Soyinka. Écrit en 1975, ce drame anticolonialiste s’inspire d’un épisode réel de la colonisation du Nigéria par l’Empire britannique, lors duquel un roi vint à mourir. Selon la tradition yoruba, son chien, son cheval, et son écuyer se devaient de l’accompagner dans la mort. Mais un officier britannique, jugeant cette pratique barbare, s’interpose.

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