Comment le Nomad Barber a parcouru 21 pays en une année

Il existe des parcours de vie qui ressemblent plus à un film qu’à la réalité. C’est le cas de celui de Miguel, le Nomad Barber. Équipé d’un simple rasoir, ce jeune homme a sillonné le monde avec son salon de coiffure ambulant, à la recherche de rencontres authentiques et profondément humaines.

À 7 ou 8 ans, vous alliez probablement à l’école, comme tout le monde. C’est aussi là que, comme tout le monde, vous avez appris les bases : lire, écrire, compter – compétences que nous sommes amenés à utiliser plus tard dans notre vie quotidienne. Mais bien que cette époque soit décisive pour notre avenir, je n’en garde personnellement qu’une vague image. Cette impression est d’autant plus frappante que lorsque je repense à mes années d’université, mes souvenirs sont au contraire très vivants. Je peux par exemple citer mot pour mot un étudiant qui, à 21 ans seulement, prétendait avoir saisi l’intégralité de la pensée nietzschéenne. Mes années de primaire, quant à elles, se réduisent à quelques anecdotes, comme cette fois où Lisa s’était enfoncé un crayon dans l’oreille. Il existe cependant un moment particulier qui s’est imprégné à jamais dans ma mémoire : celui où notre instituteur nous a expliqué que lorsque nous serions de jeunes adultes, nous deviendrions maître de notre destin. À ce moment précis, un sentiment d’euphorie m’avait envahie.

Ce jour-là, afin de rendre les choses plus concrètes, chaque élève devait expliquer au reste de la classe ce qu’il voulait faire plus tard. Évidemment, les premiers avaient rapidement mis la main sur les meilleures alternatives : astronaute, cuisinier et président de l’univers. J’avais, pour ma part, envisagé ma réponse de façon stratégique, me demandant d’abord quel était mon plus grand rêve pour l’avenir. Explorer le monde, bien sûr ! Quels pouvaient être les métiers qui m’offriraient cette possibilité ? Allez savoir pourquoi, je jetai ce jour-là mon dévolu sur « éleveuse de chevaux »… Cette idée saugrenue va peut-être en faire sourire certains. Mais si quelqu’un avait répondu « barbier », n’auriez-vous pas aussi eu la même réaction ? Et pourtant, les choses ne sont parfois pas si absurdes qu’elles ne le paraissent…

Les rêves d’enfants ne vieillissent pas

De nos jours, voyager à l’étranger n’est plus le privilège de la classe la plus aisée, des hommes d’affaires ou de quelques métiers d’exception. C’est devenu une activité abordable et simple à organiser, même pour des bourses modestes. Mais choisir de voyager, c’est aussi opter pour un certain mode de vie. Si vous êtes vous-même curieux de découvrir une culture différente, enthousiaste à l’idée de faire de nouvelles rencontres et prêt à échanger quelques mots dans une autre langue, cette histoire pourrait vous inspirer.

Tout commence avec Miguel, un coiffeur de 29 ans né à Liverpool. Peut-être le connaissez-vous déjà sous le nom de Nomad Barber (« le coiffeur nomade »), virtuose des ciseaux de coiffure et producteur d’une série web dans laquelle il raconte les expériences vécues à travers ses voyages. Lorsque j’ai entendu parler de Miguel pour la première fois, j’ai ressenti un enthousiasme bien particulier, similaire au sentiment qu’on peut avoir, enfant, lorsqu’on découvre le trésor caché au fond du jardin avant tous les autres. Je sentais que j’étais tombée sur la perle rare, que j’avais trouvé là un authentique pionnier de la vie moderne. Il faut dire que l’existence de Miguel sort complètement de l’ordinaire. Il a eu un jour le courage de prendre des décisions que d’autres auraient balayées d’un revers de la main, prétextant l’infaisabilité d’un tel projet. Or, même si aujourd’hui, ma vie n’a rien à voir avec la sienne, ce personnage m’inspire. Vous voulez savoir pourquoi ? Alors lisez la suite.

Soif d’aventure

Quand il était enfant, Miguel entretenait une certaine fascination pour les boutiques de barbiers – une fascination qui m’a d’abord un peu étonnée. Selon moi, il existe deux types de clients qui vont se faire raser la barbe : ceux qui ne savent pas le faire eux-mêmes et ceux qui aiment se faire bichonner. Selon Miguel en revanche, le barbier remplit une toute autre fonction, essentielle : il rassemble des personnes qui ne se côtoient jamais d’ordinaire. Pour lui, un salon de coiffure n’est pas une simple boutique mais un lieu d’échange et de discussion, presque un rendez-vous des cultures. Toutes les générations se mélangent et il n’est pas rare de croiser un grand-père accompagné de son petit-fils. Miguel recueille dans son salon toutes sortes de confidences, presque comme un prêtre dans son confessionnal. Certains voient la cuisine comme le meilleur moyen de faire dialoguer les cultures ; personnellement, la musique reste mon medium favori, une langue universelle. Pour Miguel, l’art du rasage ouvre la voie à la communication entre les individus et crée des liens particuliers. C’est la raison pour laquelle il a décidé d’en faire son métier.

Un jour, alors qu’il est train de passer de la crème sur le visage d’un de ses clients assez âgé, celui-ci se vante haut et fort de n’avoir jamais quitté son lieu de naissance. Pour Miguel, c’est le déclic. Malgré les protestations de son entourage, il décide de tout quitter sur-le-champ et prend un billet à destination du Chili, pays que son père avait fui pour émigrer en Angleterre.

Dépasser ses peurs et ses incertitudes

Débarqué dans un environnement complètement inconnu, ses pas le mènent rapidement vers un lieu familier : le salon de coiffure. À cette époque, Miguel ne possède que quelques rudiments d’espagnol. « J’étais vraiment intimidé, sur mes gardes, notamment dans les endroits où je n’avais encore jamais été », raconte-t-il aujourd’hui, le sourire aux lèvres. Le fait de ne pas se sentir à l’aise dans la langue locale accentue sa timidité. « Apprendre quelques mots de vocabulaire avant le départ est une chose, les utiliser dans une conversation avec quelqu’un en chair et en os, c’en est une autre ». Mais plus il communique avec les gens sur place, plus ses doutes et ses craintes se dissipent. « En réalité, explique-t-il, ces peurs n’ont aucune raison d’être. Il faut simplement les dépasser et se jeter à l’eau. Il faut se lancer, c’est tout. » Il affirme aussi que s’envoler pour le Chili à la découverte d’une nouvelle langue et d’une nouvelle culture fut une des meilleures décisions de sa vie. Et ce n’était que le début. L’année suivante, Miguel a voyagé dans 21 pays différents et filmé ses rencontres avec des coiffeurs et barbiers du monde entier. Ce reportage a été intégralement diffusé dans une série web, The Nomad Barber.

Même s’il ne pouvait parler aucune des langues des pays visités couramment, les locaux, du fait qu’il était capable d’échanger avec eux quelques phrases dans leur langue maternelle, lui réservaient partout un accueil chaleureux. Son secret ? « J’ai remarqué que les enfants étaient toujours un excellent intermédiaire », raconte Miguel. « Ils grandissent avec des films anglo-saxons. Ils apprennent l’anglais à l’école et souvent, ils sont fascinés par la culture occidentale. C’est donc à eux que je parle généralement en premier. Je leur demande de m’aider en cas de besoin. Grâce à ce premier contact, je peux ensuite rencontrer plus facilement des personnes adultes et apprendre à les connaître. » Dans tous les endroits où il a pu se rendre, Miguel a toujours cherché à découvrir la personne qui se cachait derrière le client venu se faire tailler la barbe. Quelles histoires, quels rêves avait-il à raconter ? Miguel a très vite compris que son salon de coiffure ambulant était le moyen idéal d’allier son travail et sa passion pour les rencontres.

Se faire un nom

Avec une telle passion au départ, il n’est pas étonnant que sa série web ait rencontré un succès si important. Il y relate ses voyages à travers des observations personnelles, y compile les langues les plus diverses qu’il côtoie pendant ses séjours et nous fait plonger dans son univers professionnel. On y découvre également de véritables personnages, comme l’excentrique Baba à Pushkar, en Inde.

Un des épisodes les plus émouvants nous emmène au nord de la France, plus précisément dans la fameuse « jungle de Calais ».

Marqué par l’histoire de son propre père, émigrant chilien, il a voulu partir à la rencontre de ces personnes qui font si souvent la une des journaux, mais dont en réalité on ne sait presque rien. Son père lui a souvent répété : « Rien n’aurait pu, à l’époque, me faire autant de bien qu’une coupe de cheveux, quelqu’un qui, pour quelques instants, me fasse me sentir plus digne, plus humain. » Sans l’ombre d’une hésitation, Miguel a donc embarqué sa crème et son rasoir afin d’aller offrir quelques moments de réconfort aux réfugiés. Sa vidéo prouve de façon émouvante que, du simple fait de traiter quelqu’un humainement, comme son égal, peut naître un beau moment d’échange.

Mener une vie cosmopolite

Entre deux voyages, Miguel trouve aussi le temps d’ouvrir son propre salon à Londres, qui ne porte d’autre nom que The Nomad Barber. La boutique se fait rapidement un nom dans le quartier, attirant des barbiers femmes et des clients de tous âges. Lorsque Miguel vient à Berlin pour la première fois, une chose lui saute immédiatement aux yeux : ce ne sont certes pas les barbiers qui manquent, mais tous ont une seule et unique façon de pratiquer le métier. Il décide donc d’y ouvrir un deuxième salon, dont la marque de fabrique est le rasage façon britannique (et le bon café). Malgré les vicissitudes de la bureaucratie allemande (ou peut-être grâce à elles ?), Miguel parvient vite à s’entourer d’une équipe compétente, se fond dans la culture locale et fait de son salon l’un des lieux incontournables du quartier de Neukölln.

Jamais, jusqu’à aujourd’hui, je n’ai eu affaire à un barbier. Pour être honnête, j’espère d’ailleurs bien en rester là. Mais alors, comment expliquer que je me sente si inspirée par le parcours de Miguel, que je puisse à ce point m’identifier à lui ? Deux choses en particulier me semblent être à l’origine de mon admiration : d’une part, une soif insatiable d’aventure et de découverte, d’autre part, une incroyable volonté. Chacun a pu nourrir un jour l’envie de partir explorer le monde. Or, on se réveille un beau matin et les contraintes de la réalité ont pris le pas sur les rêves d’enfant. Miguel nous montre qu’il existe des manières créatives d’allier devoir et plaisir, vie professionnelle et passion. Sa série web est aussi la preuve que chaque effort fait pour entamer une conversation avec quelqu’un trouve immanquablement sa récompense.

Vous souvenez-vous encore des destinations que vous rêviez d’explorer lorsque vous étiez plus jeune ? Des cultures que vous vouliez découvrir ? Des langues que vous désiriez apprendre ? Alors oubliez votre timidité et jetez-vous à l’eau. Et la prochaine fois que vous vous retrouverez dans un salon de coiffure, profitez-en pour raconter votre expérience. Cela pourrait en inspirer plus d’un !

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Thea Bohn

Thea Bohn écrit sur ce qu'elle-même aime lire. Elle a vécu à Mainz, New York et Berlin, villes où elle a étudié la littérature allemande et anglaise ainsi que la philosophie. Elle a publié des textes dans des revues, des recueils et des anthologies, avant de rejoindre Babbel en 2015. Elle apprend actuellement une sixième langue étrangère, l’italien. Son grand défi est d'arriver à engager avec ses collègues Italiens des conversations aux confins de l'absurde sans toutefois les pousser à bout.

Thea Bohn écrit sur ce qu'elle-même aime lire. Elle a vécu à Mainz, New York et Berlin, villes où elle a étudié la littérature allemande et anglaise ainsi que la philosophie. Elle a publié des textes dans des revues, des recueils et des anthologies, avant de rejoindre Babbel en 2015. Elle apprend actuellement une sixième langue étrangère, l’italien. Son grand défi est d'arriver à engager avec ses collègues Italiens des conversations aux confins de l'absurde sans toutefois les pousser à bout.